5 raisons qui peuvent empêcher un deal M&A après le « signing »

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Vous êtes intéressés par le M&A et vous suivez de près les deals récents tels que le deal Veolia / Suez ou encore le rachat de Tiffany par LVMH ? Vous êtes curieux et vous voulez pousser vos connaissances dans ce domaine en comprenant ce qui pourrait empêcher un deal M&A après le « signing » ? Mais qu’est-ce que le « signing » ? Le « signing » matérialise l’accord entre l’acheteur et le vendeur dans le cadre d’un deal M&A. Les deux parties signent le SPA (« Share Purchase Agreement »). Mais l’opération n’est effective qu’après le « closing » qui représente le moment où le transfert de propriété est fait. C’est aussi seulement à cette date que le virement des fonds est réalisé par l’acheteur et reçu par le vendeur. Quelles raisons peuvent empêcher le « closing » d’une opération M&A déjà signée ?

1) L’antitrust empêche le deal M&A après le « signing »

Une opération M&A doit parfois faire l’objet d’une notification auprès des autorités de la concurrence lorsqu’elle risque d’entraver la concurrence sur un marché. En France, c’est l’Autorité de la Concurrence (organisme public indépendant) qui examine l’opération et rend ensuite 3 types de décisions :

Autorisation sans condition de l’opération

Premièrement, elle autorise sans condition l’opération (dans +95% des cas). Par exemple, le rachat du groupe de presse hippique Paris-Turf par Xavier Niel a été accepté en févriers 2021 en raison des « chevauchements d’activités limités » entre la cible et les autres participations de Xavier Niel dans la presse et les médias (Le Monde, L’Obs, La Provence, Mediawan…).

Autorisation sous conditions de l’opération

Deuxièmement, elle autorise l’opération sous conditions. Et ces conditions sont souvent des remèdes concurrentiels ou des engagements entre les différentes parties. Les engagements peuvent être structurels (exemple : cessions d’actifs) ou comportementaux (exemple : politique commerciale de la nouvelle entité). Par exemple, l’Autorité a donné son feu vert en 2019 au lancement de la chaine Salto en échange de certains engagements de TF1, France Télévisions et M6 sur les marchés audiovisuels.

Refus de l’opération

Troisièmement, elle refuse l’opération quand les remèdes ne suffisent pas à maintenir la dynamique concurrentielle. Ce fut le cas récemment lors de la tentative de prise de contrôle d’un hypermarché Géant Casino par la société Soditroy et le groupe Leclerc. Selon l’Autorité, l’acquisition aurait mené à un duopole entre les hypermarchés Carrefour et E. Leclerc dans l’agglomération de Troyes, avec un risque d’augmentation des prix néfaste pour le consommateur.

Enfin, lorsque l’opération concerne des entreprises réalisant une part substantielle de leurs chiffres d’affaires au niveau européen, c’est la Commission Européenne qui est compétente. La Commission Européenne avait par exemple rejeté le projet de fusion entre Alstom et Siemens en 2019 face aux risques d’atteinte à la concurrence sur les marchés des systèmes de signalisation et TGV.

2) La clause MAC au moment du « signing » offre une possibilité à l’acquéreur de renoncer au deal M&A

L’intégration d’une clause MAC ou « Material Adverse Change » au pacte de vente protège l’acheteur contre la survenance d’événements exceptionnels qui impactent de façon significative et défavorable l’activité opérationnelle de la cible. La pratique est courante dans les pays anglo-saxons, un peu moins en France. Cependant, la crise du Covid-19 pourrait changer profondément la donne, avec des acheteurs qui essaieraient d’imposer coûte que coûte une clause MAC lors des négociations de la documentation juridique. En effet, avec la clause MAC, l’acheteur a le droit de ne pas réaliser l’opération (c’est une condition suspensive) ou d’être indemnisé par le vendeur (c’est une réparation financière) en cas d’évènements imprévisibles qui nuiraient aux bonnes performances de la cible.

Mais quand peut-on vraiment invoquer la clause MAC ? En septembre 2020, LVMH a intenté une action auprès de la Cour de Justice du Delaware dans le cadre de son contentieux avec Tiffany. Le but ? Démontrer que les conditions de réalisation de l’acquisition n’étaient plus réunies. Selon Bernard Arnault, l’accord de 2019 contenait une clause qui permet aux parties de renoncer au deal M&A. Quand ? C’est « en cas de survenance d’une situation significativement défavorable, pour autant que l’évènement invoqué au titre de cette clause n’ait pas été explicitement exclu par les parties ». Et bien sûr, la clause ne mentionnait pas l’époque clairement une crise épidémique ! Au contraire de cyber-attaques, des gilets jaunes ou encore des manifestations à Hong Kong… Si le rachat de LVMH vous intéresse, vous pouvez en apprendre davantage grâce à une explication détaillée de celui-ci.

3) La diminution de l’actif ou l’augmentation du passif entre « signing » et le « closing »

Les clauses GAP ou Garanties d’Actifs et de Passifs peuvent aussi freiner un deal M&A après le « signing ». Avec ces clauses dans le SPA, le vendeur s’engage à indemniser l’acheteur dans deux situations. Premièrement, si l’actif de l’entreprise diminue entre « signing » et le « closing ». Deuxièmement, si le passif de l’entreprise augmente pendant cette période. Néanmoins, c’est à l’acheteur de démontrer que cette dégradation des comptes de la cible est due à un évènement antérieur à la transaction. Parmi les baisses d’actifs, on peut citer des stocks invendables ou des créances clients litigieuses. De l’autre côté, la découverte d’un passif fiscal ou d’une dette additionnelle seront considérés comme une augmentation inattendue du passif de la cible.

L’intégration d’une clause GAP est fréquente dans les pactes de vente. Cependant, les négociations autour du contour de cette clause sont souvent difficiles. En effet, elles portent sur plusieurs points. Premièrement, le champ de la garantie. Deuxièmement, son plafond, qui ne dépasse pas généralement 60% du prix. Troisièmement, la durée, qui se situe entre 3 et 5 ans en général. Et quatrièmement, son assiette.

4) Le financement de l’opération M&A est difficile après le « signing »

L’obtention du financement par l’acheteur est une condition nécessaire à la réalisation de l’opération. Une transaction se finance avec des titres ou du cash. Pour les titres, c’est une émission de nouvelles actions par l’acheteur pour rémunérer les actionnaires du vendeur. Concrètement, les vendeurs vont recevoir des actions de l’acquéreur. Pour le cash, c’est un paiement en numéraire. Et ce cash provient de 3 sources différentes :

  • La trésorerie existante de l’entreprise. Dans ce cas, il existe peu de risques d’un manque de financement
  • Une dette d’acquisition. Il faut alors trouver des créanciers qui acceptent de financer l’opération
  • Une augmentation de capital. L’opération se réalise auprès d’autres investisseurs qui vont apporter du cash à l’entreprise en échange d’actions

Si l’acheteur ne parvient pas à trouver cette trésorerie, il ne sera pas en mesure de financer son acquisition. Par conséquent, les banques d’affaires qui conseillent en sell-side exigent souvent des lettres d’engagement remises par les banques prêteuses afin de garantir la bonne réalisation de l’opération.

5) L’Etat refuse le deal M&A après le « signing »

L’Etat a récemment fait part de ses fortes réserves face à une potentielle OPA du canadien Couche-Tard sur Carrefour. Mais avait-il le droit de le faire ? En France, c’est parfaitement légal. Précisément, un décret signé par l’ancien Premier Ministre Dominique de Villepin définit depuis 2005 les secteurs où l’investissement étranger est soumis à autorisation du gouvernement. À l’époque  le gouvernement s’était mobilisé face à une rumeur d’OPA de PepsiCo sur Danone. Le décret visait alors à prévenir la prise de contrôle par un acheteur étranger d’entreprises ayant un lien avec les intérêts stratégiques de la France (sécurité intérieure, lutte contre le terrorisme, défense nationale). Avec ce champ d’action, Danone aurait d’ailleurs difficilement fait partie des entreprises « protégées » par le décret.

Deux évolutions vont élargir considérablement cette liste. D’abord, en 2014 au moment de l’affaire GE/Alstom, le ministre Arnaud Montebourg a ajouté les secteurs de l’eau, de la santé, de l’énergie, des transports et des télécommunications. Ensuite, en 2020 sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, la loi PACTE a encore renforcé le dispositif. Premièrement, le gouvernement peut maintenant bloquer une prise de participation supérieure à 25% du capital contre 33% avant. Deuxièmement, de nouveaux secteurs sont intégrés comme la presse écrite et en ligne, le stockage d’énergie et des technologies quantiques et la sécurité alimentaire.

Et c’est précisément cette loi qui permet au ministre de l’Economie Bruno Le Maire de motiver le refus de l’Etat français face à une potentielle acquisition de Carrefour par Couche-Tard. L’Etat brandit l’argument de la souveraineté alimentaire en arguant que Carrefour représente 20% de la distribution en France. En peine crise sanitaire, il faut dire que l’opinion publique perçoit peut-être mieux l’argument.

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