Interview avec Thierry Chetrit, fondateur et président de la banque d’affaires Clairfield International

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« Être capable d’appréhender la vente d’une entreprise, que l’acquéreur soit américain, allemand ou chinois est un facteur très différenciant de Clairfield. »

Thierry Chetrit est l’un des co-fondateurs et Vice-Président de la banque d’affaires Clairfield International. Il occupe aussi le poste de CEO de Clairfield en France. Depuis le début de sa carrière, il a conseillé sur des dizaines d’opérations, à la fois en sell-side et buy-side, auprès d’investisseurs stratégiques et fonds de Private Equity, dans des secteurs très variés (services aux entreprises, tech, distribution, santé, etc.), et régulièrement avec une dimension cross-border. Dans cet article, Thierry évoque son parcours et revient particulièrement sur le développement de Clairfield International.

Pouvez-vous présenter en quelques mots votre parcours ?

J’ai co-fondé Clairfield International en 2004 après une « première vie » professionnelle en dehors de la banque d’affaires. J’ai débuté ma carrière en tant qu’auditeur. A l’époque, quand on avait un profil financier à la sortie de l’école et qu’on ne savait pas vraiment quoi faire, on commençait généralement par faire de l’audit. En effet, la banque d’affaires et les métiers de l’investissement n’existaient que marginalement par rapport à ce qu’ils sont devenus aujourd’hui. Cependant, je me suis rapidement aperçu que l’audit était intéressant mais sans plus.

A la suite de cette première expérience, j’ai intégré le groupe américain Omnicom (leader du conseil en communication, coté à Wall Street). D’abord en tant que financier. Puis comme Directeur Financier. Et enfin au poste de Directeur Général en France. J’y ai été confronté très jeunes à beaucoup de responsabilités opérationnelles et financières. Par exemple, j’ai mené les premières opérations de croissance externe du groupe en France, avec BBDO dans le web. Mais j’avais aussi des velléités entrepreneuriales fortes non assouvies.

Et j’ai décidé de quitter Omnicom pour créer Intuitu Capital, dont le métier d’origine était d’accompagner les startups du web sur leurs problématiques de financement (en particulier sur l’amorçage), de levées de fonds et stratégiques. J’ai développé Intuitu de 1998 à 2004, date à laquelle je l’ai fondu dans Clairfield.

Vous avez donc réalisé une double transition du monde de l’entreprise vers celui du conseil M&A et vers l’entrepreneuriat. Pourquoi ce choix ?

C’était clairement lié aux opportunités qu’offrait l’émergence du web à la fin des années 1990 et au début des années 2000. C’était une vague naissance mais géante dans laquelle de nombreuses choses nouvelles allaient devenir essentielles. Par exemple, le besoin de lever des fonds ou de parler à des investisseurs. Et peu de personnes étaient expérimentées dans ce domaine.

Je me suis rapidement associé avec Christian Jagodzinski. C’était un jeune entrepreneur allemand qui a créé l’équivalent d’Amazon en Allemagne (sans copier Amazon) et qui l’a d’ailleurs revendu à Jeff Bezos en personne. Nous voulions aider les jeunes créateurs de startups en leur faisant bénéficier de nos expériences cumulées dans le domaine du web. Cette opportunité m’est apparu comme une fenêtre. D’ailleurs, à ce moment-là, il était plus important d’avoir de l’expérience dans l’univers du web (expérience sectorielle) que comme banquier d’affaires (compétences financières). Ce qui ne serait plus vrai aujourd’hui… Après, il a fallu opérer un saut méthodologique pour apprendre le métier de conseil que je ne connaissais pas bien.

Vous avez fondé Clairfield International en 2004. Aujourd’hui, vous êtes 300 personnes, présents dans 25 pays et avez conseillé 700 deals sur les 5 dernières années. Pourriez-vous nous raconter les grandes étapes de ce développement ?

Dans l’acte fondateur de Clairfield, je pense qu’on avait déjà un certain nombre de facteurs clés de succès.

Le premier, c’était le regroupement de personnes qui s’appréciaient et travaillent déjà ensemble.

Le second, c’était la clarté du projet : une banque d’affaires mid-market à capacité internationale absolue (sans frontières). Nous étions tous alignés sur ce projet, les principes communs et la manière dont on voulait développer l’activité.

Le troisième, c’était notre développement collégial. Un pays n’a jamais dicté aux autres ce qu’il voulait faire. Cette collégialité a facilité notre extension naturelle vers 25 pays grâce à la captation de boutiques M&A locales. Ces boutiques étaient toutes des références dans leurs pays mais souhaitaient devenir internationales. Le mode de fonctionnement que nous proposions chez Clairfield convenait très bien aux entrepreneurs de ces boutiques locales. Car elles voulaient avoir une dimension internationale tout en restant entrepreneur et sans se vendre à des grosses banques d’affaires. Clairfield offre ce modèle hybride avec une forte intégration opérationnelle (les banquiers du réseau travaillent tous les jours ensemble) et un ADN entrepreneurial (les patrons de bureaux conservent une autonomie locale dans la gestion des clients).

Pouvez-vous présenter ce qu’est Clairfield International aujourd’hui ?

Clairfield est un partnership qui comprend plus de 300 personnes dans le monde. Nous sommes présents dans 25 pays en Europe, Amérique du Nord, Amérique du Sud et Asie. Notre métier est de conseiller les entreprises du segment mid-market sur leurs opérations M&A. En 2021, la banque a conseillé sur 140 opérations (2/3 à la vente et 1/3 à l’achat) pour une valeur totale de transactions de 7Mds€ et une valeur d’entreprise de 60Mds€ cumulées. Nous intervenons dans tous les secteurs d’activités grâce à notre taille critique et au cumul des expériences des 300 banquiers du groupe. Actuellement, Clairfield est positionné dans le top 10 européens des conseils M&A mid-market et dans le top 5 des structures indépendantes. En France, nous sommes 22 professionnels et nous avons conseillé sur 25 des 140 deals réalisés.

Quelles sont les particularités de Clairfield International par rapport aux autres acteurs de la place ?

Ce qui fait la différence pour nos clients, c’est notre capacité internationale grâce à un réseau intégré. Être capable d’appréhender la vente d’une entreprise, que l’acquéreur soit américain, allemand ou chinois est un facteur très différenciant de Clairfield. Concrètement, chaque opération chez nous est envisagée de manière internationale, mais sans se forcer à le faire. La fluidité en interne permet de travailler ensemble comme si nous étions dans le même bureau. Grâce à cela, nous sommes capables de conseiller sur des opérations franco-françaises, des LBO (qui sont souvent réalisés au niveau local), mais aussi sur des opérations cross-borders pour les entreprises du segment mid-market. Aujourd’hui, Clairfield est capable d’exécuter des transactions à 20m€ entre plusieurs pays.

Quelles sont les principales différences dans l’approche du conseil M&A mid cap vs large cap ?

Il y a logiquement beaucoup de points communs entre ce qu’on fait dans un deal Large Cap et Mid Cap. Cependant, ce qui change, c’est le type d’interlocuteurs. Chez Clairfield par exemple, il y a au moins d’un côté de l’opération des entrepreneurs ou des familles. Par conséquent, nous devons être capable de les appréhender de manière subtile. D’entrepreneurs à entrepreneurs ! Nous devons comprendre leurs problématiques et leurs attentes. Et nous devons passer le temps nécessaire pour les accompagner dans la transaction. Cette approche humaine et pédagogique est différenciante par rapport aux banques qui font du Large Cap. D’ailleurs, notre organigramme est très plat. Précisément pour faciliter le dialogue avec nos clients. Chez nous, il n’existe pas de délégation pyramidale dans laquelle on séquence un travail très technique du haut vers le bas de la pyramide. Cette différence est essentielle.

Vous réalisez 80% de vos deals en cross-border. Quelles sont les spécificités de ces opérations et comment les exécuter au mieux ?

D’abord, c’est nécessaire que les relations à l’intérieur du groupe soient très fluides, bien organisées et fortement processées. Nous réalisons des tâches de la même manière, ce qui nous permet de parler le même langage. Par exemple, chaque document se construit de manière similaire. Comme cela, c’est facile pour l’ensemble des pays de les décrypter, peu importe dans quel pays le document a été rédigé. Par exemple, quand on reçoit un infomemo d’Inde, on sait directement comment il est structuré et où chercher certaines informations,

Ensuite, la définition de certaines règles permet d’éviter les conflits de positionnement ou d’intérêt. Par exemple, comment répartir le travail sur les dossiers ou les honoraires ? Chez nous, les honoraires se répartissent de la même manière quelle que soit la contribution d’un pays par rapport à l’autre. Et cela rend possible le travail collectif sans aucun conflit d’intérêt. L’idée, c’est que chaque pays soit incité à aider n’importe quel client de la banque. Concrètement, si un client du bureau français veut faire un deal en Italie, on aura aucun problème pour faire travailler l’équipe italienne plutôt que conserver le travail en France.

Quelles sont les perspectives pour Clairfield International dans les prochains mois ?

Au niveau global, le secteur subit un ralentissement. L’année 2023 sera moins bonne que les années 2021 et 2022 pour la majorité des banques d’affaires sur le plan du nombre d’opérations. Cependant, Clairfield est moins impacté par cet environnement difficile pour deux raisons : notre capacité internationale forte et notre positionnement sur le segment mid-market auprès d’industriels (qui ont généralement moins de besoins en financements externes pour réaliser leurs acquisitions). On en revient au caractère différentiant de Clairfield, qui devient aujourd’hui encore plus intéressant et en notre faveur.

Pour en apprendre plus sur Clairfield : Vous pouvez visionner notre webinaire avec Thierry Chetrit.

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