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Etude de cas

LVMH rachète Tiffany pour 16 milliards de dollars

Par Guillaume Pommier

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4 min de lecture

Le groupe de luxe français LVMH rachète le joaillier américain Tiffany pour plus de 16 milliards de dollars, signant une des transactions M&A les plus marquantes de l’année 2019. Côté conseils, Citi et J.P. Morgan ont conseillé LVMH. Centerview et Goldman Sachs ont accompagné Tiffany.

Termes de l’offre

Le prix de l’acquisition

En novembre 2019, LVMH réalise l’acquisition de Tiffany pour 135 dollars par action. Sur cette base, la valeur des capitaux propres de Tiffany (Equity Value) s’élève à 16,2 milliards de dollars. C’est près de 2 milliards de dollars de plus que l’offre initiale de LVMH formulée en octobre.

En 2020, en raison de la pandémie de Covid-19 qui a bouleversé l’économie mondiale et le secteur du luxe, LVMH a obtenu un réajustement du prix. En effet, les actionnaires de Tiffany ont approuvé la proposition de LVMH revue à la baisse. Et le prix de l’offre a été ramené à 131,5 dollars par action. Cela permet à LVMH de faire une économie de 430 millions de dollars sur un montant global de 16,2 milliards.

L’acquisition a finalement été officialisée en janvier 2021.

Le financement de l’acquisition

La transaction est financée uniquement avec du cash. En effet, LVMH a financé une partie du prix avec sa propre trésorerie. Le reste a été financé grâce à un emprunt obligataire réalisé sur les marchés. Précisément, LVMH a levé en 2020 9,3 milliards d’euros sur le marché obligataire à des conditions financières particulièrement avantageuses. L’opération a porté sur deux émissions :

  • L’une de 7,5 milliards d’euros (en euros)
  • L’autre de 1,8 milliards d’euros (en livre sterling)

Les échéances vont de 2 à 11 ans. Le coût global s’élève à 0,05%. Cette levée de fonds sur le marché obligataire a fait l’objet d’une forte demande de la part des investisseurs institutionnels français et européens. Concrètement, la demande totale s’est élevée à 27 milliards d’euros, soit le triple du montant effectivement émis.

Rationale

Pourquoi LVMH a racheté Tiffany ? On peut décliner sa stratégie d’entreprise en 3 points.

Se développer dans la joaillerie

D’abord, LVMH souhaite développer son activité joaillerie, le seul secteur où il n’est pas encore leader. Rappelons que le groupe a déjà racheté Bulgari pour 5,2 milliards de dollars en 2011. Ces acquisitions doivent permettre à LVMH de concurrencer ses principaux concurrents Cartier et Van Cleef & Arpels, tous les deux détenus par le suisse Richemont. Bernard Arnault espère donc profiter de la réputation de Tiffany dans le secteur. Pour lui, « c’est une entreprise qui jouit d’un héritage et d’un positionnement uniques au monde dans le marché de la haute joaillerie. Tiffany nous inspire un immense respect et une grande admiration ».

Renforcer sa présence aux Etats-Unis

Ensuite, LVMH renforce sa présence aux Etats-Unis, son deuxième marché en termes de chiffre d’affaires après l’Asie. Tiffany réalise presque la moitié de ses ventes sur le continent américain. L’acquisition de Tiffany s’ajoute d’ailleurs à celles d’autres marques américaines par le groupe, comme Marc Jacobs, Benefit Cosmetics ou Kat Von D Beauty.

Bénéficier d’une forte image de marque

Enfin, LVMH met la main sur une marque qui bénéficie d’un statut d’icône aux Etats-Unis et dans le monde. Quelques exemples qui montrent que Tiffany appartient à l’histoire des Etats-Unis. Déjà, lors de la Guerre de Sécession, Tiffany fournit à l’armée des États du Nord des sabres de cavalerie et des drapeaux. Puis, la marque est présente dans des films emblématiques de Hollywood. Par exemple, Breakfast at Tiffany’s s’ouvre sur une scène d’Audrey Hepburn, des rangs de perles autour du cou, dégustant un café devant une vitrine Tiffany. Pour finir, en 2017, lors de la passation de pouvoir à la Maison blanche, c’est un cadeau de chez Tiffany que Melania Trump offre au couple Obama !

audrey hepburn

Audrey Hepburn devant la vitrine de Tiffany dans le film « Breakfast at Tiffany’s » de Blake Edwards (1961)

 

Par conséquent, la marque new yorkaise est l’une des rares que les Américains reconnaissent au premier coup d’œil. Il faut dire qu’elle est propriétaire de sa propre couleur : le bleu Tiffany. « Quand vous achetez une bague de fiançailles, la boîte bleue est un symbole d’amour extraordinaire. Cela fait rêver tous les Américains et les Américaines. », rappelait Bernard Arnault au moment du rachat.

Pour aller plus loin

La transaction est la plus grosse acquisition de LVMH depuis sa création en 1987. Qui plus est, elle serait la plus grande acquisition de marque de luxe de tous les temps. Le groupe français souhaite à Tiffany la méthode de relance qu’il a mise en œuvre chez Bulgari avec succès après son rachat en 2011. LVMH avait alloué des moyens financiers importants pour dynamiser la marque italienne. Parmi lesquels l’ouverture de nouvelles boutiques, la refonte des campagnes de publicité et des nouvelles créations. En sept ans, l’activité de Bulgari a plus que doublé, atteignant un chiffre d’affaires de 2,5 milliards d’euros en 2018. Tiffany doit donc suivre le même destin.

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Décryptage
M&A : les acquisitions étrangères de plus en plus sous le contrôle des Etats

Vous avez peut-être entendu parler des offres de rachat de Photonis par le groupe américain Teledyne, de Carrefour par le canadien Couche-Tard ou bien encore plus récemment celle du fabricant de camions italien Iveco par le groupe chinois FAW. Ces opérations M&A ont un point commun. Ce sont des acquisitions étrangères qui ont été soumises au contrôle des Etats dans le but de « sauvegarder les intérêts essentiels de sécurité ». Dans cet article, on va d'abord comprendre pourquoi les Etats contrôlent les acquisitions étrangères en M&A, puis étudier les comment les Etats font ce contrôle et enfin aborder les grandes tendances concernant le contrôle des acquisitions étrangères par les Etats. Pourquoi les Etats contrôlent-ils les acquisitions étrangères en M&A ? Les Etats contrôlent souvent les acquisitions étrangères. Et cette tendance M&A ne date pas d’hier ! En effet, le nombre de contrôle des acquisitions étrangères par les Etats ne cesse d'augmenter depuis 1990. A cette date, un peu plus de 35% des acquisitions étrangères étaient contrôlées par les gouvernements. C'est presque le double aujourd'hui. Pourquoi ? Les Etats contrôlent les acquisitions étrangères en M&A pour 5 principales raisons. Sécurité nationale. Premièrement, les acquisitions étrangères peuvent avoir des implications importantes pour la sécurité nationale. C'est en particulier le cas dans des secteurs stratégiques tels que la défense, l'énergie, les technologies de pointe, etc. Par conséquent, les Etats cherchent à prévenir les acquisitions qui pourraient compromettre leur capacité à défendre leurs intérêts ou leur territoire. Par exemple, en 2021, la France a bloqué la vente de Photonis (production de matériels pour l'armée française) à la société américaine Teledyne. Et c'est finalement Ardian qui a fait ce rachat ! Protection des industries nationales. Deuxièmement, les gouvernements peuvent chercher à protéger leurs industries nationales contre la concurrence étrangère déloyale ou les acquisitions hostiles qui pourraient affaiblir la compétitivité des entreprises nationales Protection des emplois et des intérêts économiques. Troisièmement, les acquisitions étrangères peuvent parfois entraîner des pertes d'emplois ou des délocalisations d'activités économiques. Les gouvernements peuvent intervenir pour protéger les emplois et les intérêts économiques nationaux en réglementant ou en bloquant certaines acquisitions. Par exemple, en 2021, la France a écarté l'idée d'une acquisition potentielle de Carrefour (un employeur important en France avec des milliers d'employés) par la société canadienne Couche-Tard en partie pour cette raison. En effet, le gouvernement s'est inquiété des répercussions potentielles sur l'emploi et les conditions de travail si l'entreprise venait à être acquise par une société étrangère Souveraineté économique. Quatrièmement, les acquisitions étrangères dans des secteurs critiques peuvent compromettre la souveraineté économique d'un pays en donnant à des entités étrangères un contrôle significatif sur des ressources ou des infrastructures stratégiques. Encore une fois, le refus d'une acquisition potentielle de Carrefour par Couche-Tard en 2021 s''explique aussi par cela. En effet, la France attache une grande importance à sa souveraineté alimentaire et considère Carrefour comme une entreprise stratégique. Surtout après la crise du Covid-19 pendant laquelle la grande distribution a été un acteur clé de la première ligne ! Équité et réciprocité. Cinquièmement, certains États cherchent à s'assurer que les entreprises étrangères ne bénéficient pas de conditions d'investissement plus favorables que celles dont bénéficient les entreprises nationales dans d'autres pays. Ils peuvent donc réglementer les acquisitions étrangères pour promouvoir des relations commerciales équitables et réciproques Par conséquent, ces raisons varient d'un pays à l'autre en fonction de leurs priorités politiques, économiques et sécuritaires spécifiques. Comment les Etats contrôlent-ils les acquisitions étrangères en M&A ? Principe du contrôle Le contrôle des acquisitions étrangères par les États est généralement mis en place à travers une combinaison de lois, de réglementations et d'autorités indépendantes. Voici comment cela peut fonctionner : Lois et réglementations. D'abord, les États établissent des règles qui définissent les conditions dans lesquelles une acquisition étrangère peut avoir lieu. Ces règles peuvent inclure des critères pour déterminer si une acquisition présente des risques pour la sécurité nationale, l'économie ou d'autres intérêts stratégiques. Par exemple, une loi pourrait conditionner les acquisitions dans certains secteurs sensibles à une autorisation préalable du gouvernement Autorités de régulation ou de supervision. Ensuite, les Etats peuvent créer des autorités indépendantes. Elles vont superviser le processus d'examen des acquisitions étrangères et garantir le respect des lois et réglementations en vigueur Processus d'autorisation : Enfin, si l'acquisition est jugée conforme aux lois et réglementations en vigueur, elle peut être autorisée par les autorités compétentes. Cela implique parfois des conditions spécifiques ou des engagements pour atténuer les risques identifiés Exemple de contrôle En France, prenons l'exemple du décret Montebourg en 2014 sur les investissements étrangers. Il a renforcé les pouvoirs du gouvernement français pour examiner et potentiellement bloquer les acquisitions étrangères d'entreprises françaises dans des secteurs jugés stratégiques pour la sécurité nationale ou l'économie française. Premièrement, le décret a élargi la liste des secteurs sensibles soumis à un examen spécifique en cas d'acquisition étrangère, notamment dans des domaines tels que la défense, la sécurité, l'énergie, les télécommunications, les transports, la santé, etc. Deuxièmement, le décret a renforcé les critères d'évaluation des acquisitions. Il met l'accent sur la préservation des intérêts stratégiques, économiques et industriels de la France, ainsi que sur la protection de la souveraineté nationale et de la sécurité nationale. Troisièmement, le décret a accordé au gouvernement français des pouvoirs accrus pour bloquer ou conditionner les acquisitions étrangères jugées contraires aux intérêts nationaux, y compris la possibilité de demander des garanties ou des engagements de la part des acquéreurs étrangers. Quelles sont les tendances concernant le contrôle des acquisitions étrangères en M&A par les Etats ? Le contrôle des acquisitions étrangères par les Etats augmente. Pourquoi ? Plus de deals M&A cross-border D'abord, le nombre de deal M&A transfrontaliers augmente. Il a augmenté de 472 en 1985 à 13 872 en 2019. Et ces opérations concernent aussi les « intérêts essentiels de sécurité ». Par conséquent, les gouvernements ont mis en place des réformes pour protéger les secteurs les plus sensibles. Plus de contrôle par l'Etat Les Etats contrôlent davantage. Voici quelques-unes des principales tendances observées : 1) Elargissement des secteurs soumis à contrôle De nombreux pays étendent la liste des secteurs stratégiques soumis à un examen approfondi lors d'acquisitions étrangères. On l'a rappelé avec le décret Montebourg en France. Plus récemment, les technologies émergentes telles que l'intelligence artificielle, la cybersécurité, la biotechnologie et les semi-conducteurs sont de plus en plus soumises à un examen approfondi. Pourquoi ? En raison de leur importance stratégique et de leur potentiel à influencer la compétitivité économique et la sécurité nationale. De plus, avec la montée en puissance des entreprises technologiques et la valeur croissante des données personnelles, certains pays accordent une attention particulière aux acquisitions étrangères dans le domaine des technologies de l'information et de la protection des données. 2) Renforcement des critères d'examen Les critères pour évaluer les acquisitions étrangères deviennent de plus en plus stricts. On remarque une attention particulière portée à la protection de la souveraineté nationale, la sécurité nationale, la propriété intellectuelle et la préservation des emplois et des compétences locales. 3) Intensification de la coopération internationale Face à la mondialisation des investissements, de nombreux pays renforcent leur coopération dans le domaine du contrôle des acquisitions étrangères. Les autorités nationales mettent en place des mécanismes de partage d'informations et de coordination pour mieux comprendre et gérer les risques potentiels liés aux acquisitions étrangères Vous cherchez un stage ou CDI en M&A ? C’est possible, mais difficile. D'abord, le nombre de candidats est très élevé. Ensuite, le niveau attendu par les recruteurs est aussi élevé. Comment se préparer au mieux ? Pour vous aider, deux anciens banquiers de Lazard ont lancé Training You. Plus de 8 000 étudiants et jeunes diplômés l'ont déjà utilisé. Les formations regroupent tout ce que vous devez connaitre pour réussir un process de recrutement : questions de fit, questions techniques, exercices et cas pratiques, tests d’entraînement, fiches sur les banques et les fonds d’investissement, podcasts avec des professionnels du secteur. Une plateforme de cours pour un seul et même objectif : décrocher le stage de vos rêves ! Découvrir les cours de la plateforme


Par Guillaume Pommier

5 min de lecture

Etude de cas
Veolia / Suez : tout comprendre du deal M&A de l’année

Le rachat de Suez par Veolia est le deal M&A de l'année. Cet article revient sur ses différentes dimensions : revue stratégique des actifs du groupe Engie, la stratégie d'enchère d'Engie, le rôle de l'Etat dans l'affaire, les tactiques d'anti-OPA de Suez et les derniers rebondissements. Pour aller plus loin, vous pouvez retrouver une étude de cas détaillée et complète par un ex-banquier de Lazard sur la plateforme Training You. La revue stratégique des actifs du groupe Engie : une cession de Suez est envisagée Tout commence le 31 juillet 2020 par un communiqué de presse d’Engie. Le groupe veut se recentrer sur les énergies renouvelables et annonce une revue stratégique de ses actifs. Concrètement, Engie étudie des opportunités de cessions d’actifs non stratégiques et de certaines participations minoritaires. Pour de nombreux investisseurs, l’annonce ne fait aucun doute : la participation de 31,7% dans Suez est visée ! A partir de cette date, les grandes manœuvres s’enclenchent. L’occasion est trop belle pour Antoine Frérot, le patron de Veolia, qui rêve de mettre la main sur son concurrent historique. Il mandate rapidement 3 banques d’affaires pour étudier une potentielle offensive sur Suez. Les équipes se mettent au travail au cœur de l’été à un moment où les banquiers ont davantage tendance à penser à leur repos estival de quelques jours. Sur le pont, on retrouve Messier & Associés (dont le fondateur Jean-Marie Messier est aussi l’ancien patron de Veolia, anciennement Vivendi Environnement), Perella Weinberg (dirigé à Paris par David Azéma qui avait failli devenir PDG de Veolia quelques années plus tôt) et Citi (avec comme cheffe de file l’ancienne patronne du MEDEF Laurence Parisot). Les offres de Veolia sur Suez dans le cadre de la stratégie d'enchère d'Engie La première offre à 15,5 euros Pendant tout le mois d’août, les réunions s’enchainent. Les discussions entre les différents conseils de Veolia se multiplient. Et le couperet tombe le dimanche 30 août 2020. Veolia publie un communiqué de presse dans lequel il propose d’acquérir 29,9% de Suez auprès d’Engie « en vue de créer le grand champion mondial français de la transformation écologique ». Cette première offre s’élève 15,5 euros par action. Et son financement se réalise entièrement en numéraire. Elle représente une prime de 50% sur le cours de clôture de Suez du 30 juillet non impacté par l’annonce des intentions d’Engie. En pratique, c’est parfaitement vrai. En théorie, beaucoup moins. Car la valeur du titre Suez a diminué de presque 30% depuis mars 2020 et l’aggravation de la crise sanitaire en France. Enfin, Veolia affirme sa volonté de déposer une OPA sur le reste du capital de Suez si Engie accepte de lui vendre sa participation. Les réactions des différents protagonistes sont rapides. Dès le lendemain, le board de Suez exprime sa vigilance face à une offre non sollicitée « porteuses de grandes incertitudes » pour l’avenir du groupe. Traduction : l’offre est inamicale et nous ne l’acceptons pas. Puis Engie répond par communiqué le 17 septembre 2020. Le groupe demande une amélioration des termes de l’offre et se déclare ouvert aux alternatives. Premièrement, la prime de 50% est largement artificielle pour Engie comme nous l’avons mentionné. Deuxièmement, le groupe profite du contexte hostile entre Veolia et Suez pour demander plus. La deuxième offre à 18 euros La période devient assez intense pour de nombreuses banques d’affaires de Paris. En effet, plus d’une dizaine de banques travaillent sur le dossier depuis la rentrée. Côté Veolia, nous avons déjà mentionné Messier Marris & Associés, Perella Weinberg et Citi. De l’autre côté, quatre banques assurent la défense de Suez : Rothschild & Co, Société Générale, Goldman Sachs et J.P. Morgan. Mais ce n’est pas tout. Engie est épaulé par Lazard, Credit Suisse, BNP Paribas et Centerview (qui conseille le board). Enfin, l’Etat, actionnaire d’Engie à 24%, est conseillé par Barclays. La stratégie d’enchère d’Engie est rapidement gagnante. Veolia fait une seconde offre le 30 septembre 2020 à Engie à un prix de 18,0 euros par action. Sur cette base améliorée, la participation de 29,9% d’Engie dans Suez est valorisée à 3,4Mds€ contre (seulement) 2,9Mds€ avant. De plus, Antoine Frérot s’engage à ne pas lancer d’OPA inamicale sur Suez. Le board d’Engie accepte cette seconde offre, malgré l’opposition des représentants de l’Etat (actionnaire minoritaire d’Engie donc représenté au board) et la désapprobation de Suez. Le rôle de l'Etat dans l'affaire Veolia / Suez L’Etat a en effet joué un rôle ambigu depuis le début de l’affaire Veolia/Suez. D’abord, l’Etat est impliqué dans l’opération en tant qu’actionnaire minoritaire d’Engie via l’APE (Agence des Participations de l’Etat). À ce titre, il a son mot à dire sur la stratégie d’Engie et sur la cession d’un actif comme Suez. Ensuite, l’Etat est client à la fois de Veolia et Suez à travers les collectivités locales qui assurent le service public du traitement de l’eau et des déchets sur le territoire national. Il doit donc veiller à ce que le prix du service n’augmente pas à la suite du rapprochement. Et c’est la mission de l’Autorité de la Concurrence (organisme public mais indépendant) d’apprécier si la dynamique concurrentielle sera maintenue sur ce marché suite au rapprochement entre ses deux acteurs principaux qui possèdent chacun une part de marché élevée. Enfin, l’Etat est garant des équilibres économiques et sociaux en France. Certes l’idée d’un rapprochement entre deux acteurs nationaux pour créer un leader français est attractive, mais l’impact social d’une fusion constitue aussi un vrai danger pour tout gouvernement. Le deal Veolia/Suez signifierait la mise en place de synergies élevées dont la majorité concerne les coûts. Alors que l'élection présidentielle de 2022 se rapproche, un plan social de grande ampleur chez Suez passerait certainement mal dans l’opinion publique. Les tactiques de défense anti-OPA de Suez face à l'offensive de Veolia Ensuite, Suez a aussi multiplié les tactiques de défense anti-OPA. D’abord, Suez a fait avaler une « pilule empoisonnée » à Veolia en logeant sa filiale Eau France dans une fondation aux Pays-Bas, ce qui rend difficile sa cession. Or, la cession de certains actifs est précisément la condition nécessaire pour obtenir l’accord de l’Autorité de la Concurrence. Ensuite, Suez a lancé le « chevalier blanc » Ardian dans la bataille. Le fonds d’investissement fera une première contre-offre le 30 septembre 2020 (le même jour que l’offre améliorée de Veolia) puis une seconde quelques semaines plus tard le 17 janvier 2021 avec le fonds intra américain GIP. Même si le board de Suez soutient ces offres, elles restent imprécises et ne parviennent pas à freiner les ambitions de Veolia. Enfin, les salariés du Suez ont saisi la justice en raison de l’absence de consultation par Veolia de leurs instances représentatives avant de lancer son offre. Le tribunal de Paris suspendra ainsi temporairement l’opération dès le 9 octobre 2020 puis le jugement sera confirmé par la Cour d’Appel de Paris le 19 novembre 2020. Ces décisions vont empêcher Veolia de poursuivre l’opération et de lancer son OPA sur le reste du capital. Veolia / Suez : le deal M&A a finalement eu lieu Mais le feuilleton connait de nouveaux rebondissements début 2021. Des négociations difficiles entre Veolia et Suez Le 7 janvier 2021, Antoine Frérot adresse un courrier à Suez pour rappeler les principaux termes du projet : une OPA à un prix de 18,0 euros par action, des synergies estimées à 500m€ annuelles avec de fortes complémentarités industrielles entre les deux groupes et l’engagement de maintenir l'emploi en France (enjeu fort pour les salariés de Suez et l’Etat). Le 3 février 2021, le tribunal de Nanterre contredit le tribunal de Paris en affirmant que les instances représentatives de Suez n’ont pas à exiger l'ouverture d'une procédure d'information consultation suite à l’opération. Selon le juge, Veolia n’est pas devenu actionnaire majoritaire après l’opération car il ne détient que 29,9% des titres de Suez. De plus, l’engagement d'amicalité pris par Veolia impliquerait qu’il ne soit pas encore en mesure de déposer son OPA… Raté ! Malgré les suppositions du juge de Nanterre, Veolia n’attendra pas très longtemps après cette décision. Dès le 7 février 2021, le groupe annonce une OPA sur les 70,1% du capital de Suez qu’il ne détient pas. Le prix de l’offre s’élève toujours de 18,0 euros par action. Sur cette base, le montant de l’opération s’élève 7,9Mds€. Le tribunal de Nanterre, saisi le soir même par Suez, ordonne à Veolia de suspendre l’opération dans l'attente d'un débat au fond sur ses précédents engagements d'amicalité. Mais Antoine Frérot maintient sa position, estimant que toutes les tentatives d'amicalité engagées par Veolia se sont heurtées à l'opposition virulente de Suez. Un accord signé entre Veolia et Suez En avril 2021, Veolia et Suez trouvent finalement un accord. Veolia acquiert les actifs stratégiques de Suez à un prix de 19,85€ par action (et même 20,5€ par action en prenant en compte le coupon attaché). Ce prix valorise 100% du capital de Suez à 13 milliards d'euros. Dans le même temps, un consortium d’investisseurs avec les fonds Meridiam, GIP et la CDC rachète certains actifs de Suez (les activités Eau et Propreté France et certains actifs internationaux) pour former une nouvelle entité. Début 2022, Veolia réussit son OPA sur Suez. A l’issue de l’offre, En effet, à la suite des différentes périodes d'ouvertures, Veolia ramasse plus de 90% des actions auprès des actionnaires de Suez et retire le titre de la cotation. Vous voulez travailler sur ce type de deal ? C'est possible. Mais les process de recrutement sont exigeants. Pour vous aider, Training You est la 1ère plateforme de préparation aux entretiens en M&A et autres métiers en Corporate Finance. 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7 min de lecture

Décryptage
SPAC : tout comprendre sur le phénomène à la mode de la finance

Il y a eu les IPO, les OPA ou OPE, l’EBITDA ou encore le PER ratio. Voici venu le nouvel acronyme à la mode de la finance : le SPAC. Cet OVNI financier attire de plus en plus d’investisseurs, qu’ils soient institutionnels ou particuliers. Né dans les années 1980, le SPAC connait un fort regain d’intérêt depuis quelques mois. En 2021, près de 610 SPACs se sont cotés sur les marchés américains, levant au passage 162 milliards de dollars. Quelle est cette pratique boursière qui s’est déjà imposée à Wall Street et qui tente de conquérir l’Europe ? Qu'est-ce qu'un SPAC ? Inventé dans les années 1980 aux Etats-Unis, le SPAC ou « Special Purpose Acquisition Company » est une coquille vide. C’est-à-dire une société qui n’a aucune activité opérationnelle et dont la seule raison d’être est de procéder dans un futur proche (généralement deux ans) à une acquisition. Le processus se déroule en deux étapes. D’abord, le SPAC lève des capitaux par le biais d’une introduction en bourse Ensuite, le SPAC acquiert une entreprise non cotée avec les capitaux levés Qui sont les actionnaires du SPAC ? Trois types de personnes sont actionnaires du SPAC : 1) Les fondateurs ou sponsors qui sont à l’origine du SPAC Ils sont banquiers, entrepreneurs ou encore investisseurs de premier plan. Ils ont souvent une forte personnalité. Et surtout un projet !  Parmi les plus connus en France, on peut citer Matthieu Pigasse, Xavier Niel ou Bernard Arnault. Quelquefois, des artistes ou sportifs célèbres participent aussi au lancement d’un SPAC. C’est par exemple le cas de la légende du basket américain Shaquille O’Neal ou de la championne de tennis Serena Williams. Ces sponsors apportent environ 2% des fonds dans la coquille vide lors de la création du SPAC. Cet argent permet de payer les frais de départ liés au processus d’émission (banque d’affaires, avocats, etc.). De plus, les fondateurs vont identifier le secteur d'activité de la première cible ainsi que le lieu de cotation (Paris ou Amsterdam en Europe), et rédiger le prospectus de cotation du SPAC. Enfin, ils assurent le marketing pour attirer les investisseurs. 2) Les investisseurs institutionnels qui apportent le reste des capitaux lorsque la coquille vide réalise son IPO Ces investisseurs apportent des fonds pour un montant à peu près équivalent à 50x la mise de départ des sponsors. En Europe, la taille des levées de fonds est relativement harmonisée entre 250 et 300 millions d'euros. A savoir que seuls les investisseurs qualifiés peuvent participer à ce tour de table en Europe. Petite spécificité : les fonds sont ensuite mis sous séquestre le temps que le SPAC acquiert une première cible. En général, les fondateurs ont deux ans pour procéder à cette acquisition. D’ailleurs, les investisseurs ne savent pas quelle cible sera rachetée au moment où ils apportent leurs capitaux. Ils connaissent uniquement le secteur ciblé. Souvent, il est en lien avec l’expertise sectorielle des sponsors. Par exemple, le premier SPAC lancé en France en 2016 par Matthieu Pigasse, Xavier Niel et Pierre-Antoine Capton ciblait le secteur des médias. Ils ont aussi une vague idée de la taille de l’opération et des ratios de rentabilité attendu. Mais le SPAC reste avant tout un pari sur les fondateurs. 3) Les investisseurs particuliers qui peuvent acheter des actions du SPAC une fois coté en bourse Car une fois acquise, la cible fusionne avec la coquille vide. Et l’ensemble devient une entreprise cotée accessible à l’ensemble des investisseurs en bourse. Que se passe-t-il si le SPAC ne trouve pas de cible ? Il arrive que le SPAC n’identifie aucune cible de bonne qualité. Depuis 2009, environ 1 SPAC sur 10 a été liquidé sans avoir trouvé de cible. Cela reste évidemment assez faible mais ce chiffre pourrait augmenter dans les prochains mois compte tenu de la forte augmentation du nombre de SPAC. Dans ce cas, l’argent des investisseurs préalablement mis sous séquestre leur est rendu, avec en plus quelques intérêts reçus liés au temps. Surtout, les fondateurs perdent leur mise de départ. Certains détracteurs du SPAC comme le financier américain Warren Buffet dénonce le manque d’alignement entre les intérêts des différents actionnaires. Les sponsors doivent absolument trouver une cible car sinon ils perdent leur argent. Or, l’identification d’une cible de bonne qualité puis son rachat après avoir trouvé un accord sur la valorisation est parfois difficile. Surtout dans une période d’emballement des prix comme aujourd’hui. Conséquence : les sponsors pourraient avoir tendance à proposer des cibles de moins bonne qualité faute de mieux pour ne pas perdre leur mise. Ce qui entre directement en conflit avec les investisseurs. Autre problème : les investisseurs institutionnels ont un horizon de court terme par rapport aux actionnaires particuliers. Selon une étude de la Stanford Law Business School en avril 2021, la mise sous séquestre des fonds, les intérêts financiers reçus lié au temps puis la revente de certaines options accordées par le SPAC rapporterait aux investisseurs plus de 10% de rendement. Avec en face un risque quasi nul. Car ces investisseurs n’ont pas l’intention de porter les actions et vendent souvent dès que la fusion a eu lieu. Pourquoi le SPAC est redevenu à la mode ? Alors que seulement une vingtaine de SPAC par an a été lancée dans le monde entre 2014 et 2016, le volume d'émission a augmenté autour de 50 par an entre 2017 et 2019. Avant d'exploser depuis 2020. On atteint même un pic de 300 émissions au premier trimestre 2021. Comment expliquer cette frénésie ? Les raisons conjoncturelles : une mode du SPAC Au niveau conjoncturel, les excès de liquidités sur les marchés financiers liés aux politiques monétaires accommodantes des banques centrales depuis la crise sanitaire (et même avant d’ailleurs) ont encouragé le phénomène SPAC. Car les investisseurs doivent placer ces liquidités sur des produits à plus haut rendement dans un environnement de taux extrêmement bas. Et cela entraîne à la fois la hausse du prix des actions et le boom du Private Equity. Les raisons structurelles : les avantages du produit SPAC Au niveau structurel, le SPAC offre plusieurs avantages : 1) Pour les fondateurs Il permet une souplesse dans le levée des fonds. Selon Matthieu Pigasse, « avec une levée de fonds de 300 millions d'euros, on peut viser une cible de 2 milliards d'euros ou plus ». La valorisation des cibles rachetées par un SPAC représente en moyenne 4 fois les montants initialement levés. Car le SPAC dispose de tous les leviers d'une société cotée pour financer l’acquisition. 2) Pour les investisseurs Il est un projet accessible à tous à condition de bien parier sur les compétences des fondateurs. Alors que l’IPO classique est souvent réservée à des investisseurs institutionnels, chacun peut investir dans un SPAC une fois sa cotation finalisée. D’ailleurs, 40% des volumes proviendraient déjà des investisseurs particuliers. Si vous voulez tout comprendre des IPO et réviser avant vos entretiens de stage M&A ou plus généralement pour vos stages Corporate Finance, il est possible de tout réviser sur les IPO grâce à la formation créée par deux ex-banquiers de Lazard. 3) Pour l’entreprise rachetée Il est un gain de temps. Une IPO classique nécessite a minima 6 mois de travail quand le SPAC a déjà émis le prospectus et levé des fonds auprès des investisseurs. Qui plus est, le prix de vente est moins incertain que dans une IPO classique, souvent impacté par la volatilité des marchés. Comment faire si une forte correction sur les marchés survient juste au moment où la société voulait faire son IPO ? Quels sont les SPAC emblématiques en France ? Voici quatre exemples de SPAC en France. 1) Mediawan (2016) En France, le premier SPAC date de 2016 avec le lancement de Mediawan par Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre-Antoine Capton qui ciblait le secteur des médias. Mediawan a réalisé plusieurs acquisitions (Groupe AB, le pôle TV d’EuropaCo ou Lagardère Studios) pour s’imposer comme un leader de l’audiovisuel en Europe. Depuis, les trois fondateurs ont réalisé une OPA sur Mediawan qui est maintenant retiré de la cote. 2) Organic (2020) En décembre 2020, Xavier Niel et Matthieu Pigasse ont lancé avec Moez-Alexandre Zouari un nouveau SPAC baptisé 2MX Organic et coté à Paris. Il a levé 300 millions d’euros lors de son introduction en bourse avec comme objectif des acquisitions dans le secteur de la consommation bio et durable. 3) Pegasus (2021) En avril 2021, le fonds de Private Equity Tikehau créé le SPAC Pegasus avec Financière Agache (holding détenue par Bernard Arnault), Jean-Pierre Mustier et Diego de Giorgi. Le véhicule a levé 500 millions d’euros pour financer des acquisitions dans le secteur des services financiers. 4) Accor Acquisition Company (2021) En juin 2021, le SPAC Accor Acquisition Company, sponsorisé par le groupe hôtelier Accor, a levé 300 millions d’euros à la bourse de Paris. Son objectif est de réaliser des acquisitions dans les services connexes à l’hôtellerie (restauration, bureau partagé, bien-être, divertissement et l'événementiel, technologies liées à l'hôtellerie). Les métiers de la finance d'entreprise vous intéresse ? 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Par Guillaume Pommier

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