Le capital retournement : décryptage sur un mythe de la finance moderne

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Le capital retournement intrigue. Le mythe du redressement ! L’espoir du renouveau ! Le sauvetage spectaculaire ! Bernard Tapie, l’un des hommes d’affaires les plus connus de sa génération, les a pratiqués. Mieux, il les a réussis. Dans les années 1980, le jeune Bernard Tapie est déjà un homme d’affaires accompli qui a investi dans divers secteurs. Mais c’est au cours de cette période qu’il devient connu plus largement pour son rôle dans ce qu’on appelle déjà le « redressement d’entreprises en difficulté ». L’un de ses plus célèbres sera celui d’Adidas, la marque de sport en difficulté à l’époque. En 1990, il rachète la société auprès des sœurs Dassler (héritières du fondateur Adolf Dassler). Après la mise en place de plusieurs leviers, dont plusieurs vagues de licenciements et quelques restructurations, Bernard Tapie revend Adidas en 1993 en réalisant un profit substantiel. Le retournement, c’est cela !

Mais comment cela se passe concrètement ? Quels sont les principaux acteurs du retournement en France aujourd’hui ? La casse sociale est-elle inéluctable dans un retournement ? Quel est le niveau des plus-values espérées par les acquéreurs ?

Dans cet article, nous allons d’abord définir la stratégie de capital retournement puis mentionner trois des principaux acteurs présents sur le marché français.

Qu’est-ce que le capital retournement ?

Le capital retournement fait partie du Private Equity. Il désigne les stratégies d’investissement dans lesquelles un investisseur acquiert une participation dans une entreprise en difficulté financière ou en crise dans le but de la restructurer, de la redresser et éventuellement de la revendre avec un bénéfice.

Le processus de capital retournement implique généralement quatre étapes.

Etape 1 : L’Acquisition

L’investisseur achète une participation majoritaire ou significative dans une entreprise en difficulté. Concrètement, la cible est en faillite, en cessation de paiement ou simplement en difficulté financière. Mais à chaque fois, il faut identifier le potentiel pour être redressée

Etape 2 : La restructuration

Une fois l’entreprise acquise, l’investisseur entreprend une restructuration approfondie. Celle-ci implique généralement la réduction des coûts (qui passe parfois par des coupes dans les effectifs), la réorganisation de l’activité opérationnelle (ex : gestion des stocks, lieux de production, méthode de ventes, etc.), la vente d’actifs non essentiels, le refinancement de la dette (qui nécessite des discussions avec les créanciers) ou d’autres mesures visant à améliorer la rentabilité et la viabilité à long terme de l’entreprise

Etape 3 : Le redressement opérationnel

Une fois l’entreprise restructurée sur le court terme, l’investisseur travaille à améliorer les opérations de l’entreprise sur le long terme. Cela passe par le renforcement de sa position sur le marché et donc l’augmentation de sa valeur. Comme dans un LBO classique, le fonds souhaite augmenter l’EBITDA et améliorer la marge opérationnelle de l’entreprise. Cette phase peut nécessiter des investissements importants (production, technologie, gestion, marketing, etc.)

Etape 4 : La sortie

Une fois que l’entreprise a été redressée et que sa valeur a augmenté, l’investisseur cherche généralement à la revendre à un prix plus élevé, réalisant ainsi un profit. La sortie peut se faire par une vente à un autre investisseur (un peu sur le modèle des LBO secondaire), une introduction en bourse (IPO) ou une cession à une autre société

Pour mieux comprendre les étapes d’un LBO et les conditions de sorties des investisseurs, vous pouvez retrouver notre cours de Private Equity sur la plateforme.

Pour les investisseurs, la stratégie de capital retournement comporte des risques importants car les entreprises font souvent face à des problèmes opérationnels, financiers et juridiques. Cependant, lorsque cela réussit, elle génère des rendements significatifs pour les investisseurs (parfois bien plus élevé que pour les LBO classique et moins risqués), tout en contribuant à la survie et à la croissance de l’entreprise en question. Pour les entreprises, ces opérations sont un moyen de survivre. Sur le point de disparaitre, elle bénéficie de l’apport en capitaux et d’une expertise opérationnelle pour amorcer une seconde vie, une nouvelle jeunesse, un élan nouveau.

Trois exemples de fonds de capital retournement en France

Butler Capital Partners : le pionnier

Fondée en 1991 à l’initiative de Walter Butler, Butler Capital Partners est le pionnier en France du retournement d’entreprise. Le fonds intervient aussi dans d’autres situations, mais a toujours fait de l’apport de capitaux à des entreprises en difficultés l’une de ses marques de fabrique. Au moment de l’éclatement de la « bulle Internet » au début des années 2000, Butler Capital Partners avait déjà plusieurs fait d’armes, par exemple avec l’agence publicitaire BDDP ou le fabricant français de machines à mouler le caoutchouc REP.

Et il voit dans cette crise une source de cibles potentielles pour le fonds qu’il vient de lever. L’état d’esprit de son fondateur était déjà très clair : « Le marché du retournement va inévitablement s’élargir. On verra des LBO avoir quelques difficultés dans les années qui viennent. Mais la concurrence sur ces dossiers va aussi probablement se durcir ». Plus récemment, en 2020, Walter Butler avait déposé une offre de rachat pour l’enseigne Courtepaille, en sérieuse difficulté avec le Covid-19. Mais la cible a finalement été reprise par le groupe Buffalo Grill.

Verdoso : le partenaire des grand groupes

Fondé en 1997 par Franck Ullmann, Verdoso s’est rapidement fait une place parmi les meilleurs fonds de retournement français en étant impliqué rapidement dans des grosses opérations. Le contexte difficile pour la cible est l’un des piliers de sa stratégie d’investissement. Cela peut être un changement de modèle économique, la faiblesse financière ou des problèmes opérationnels à résoudre. Concrètement, depuis sa création, Verdoso a accompagné de nombreuses situations spéciales dont plusieurs cessions d’actifs non stratégiques de grands groupes. Quelques exemples :

  • Estamfor pour Arcelor (société appartenant à Farinia)
  • Prosyne Polyane pour Elf Atochem (société cédée en 2002)
  • Bouguet Pau pour Pernod Ricard (société cédée en 2006)
  • NUM pour Schneider Electric (société en portefeuille depuis 2005)
  • Aptunion pour Kerry Foods Ingredients (société en portefeuille depuis 2012)
  • Cloisons Partena et Clips pour Lafarge (société en portefeuille depuis 2013)
  • Lloyds Bank : Retif (société en portefeuille depuis 2014)
  • Natixis : Kompass (acquise en 2015)

Plus récemment, Verdoso a mené en 2019 le carve-out du groupe pharmaceutique Macopharma auprès de l’Association Familiale Mulliez. La cible réalise à cette date 50 millions d’euros de chiffre d’affaires mais génère d’importantes pertes. Pourtant, le fonds reprend l’intégralité des 500 collaborateurs. L’objectif de Verdoso rappelé par son fondateur au moment de l’acquisition traduit bien les étapes du retournement : « Nous analyserons chaque produit un par un, et nous nous séparerons de ceux qui sont déficitaires et dont le coût fabrication ne peut pas être réduit ou le prix de vente augmenté pour redevenir bénéficiaires ». Il faut repositionner les activités déficitaires sur des produits à forte valeur marge pour augmenter la valeur de l’entreprise.

Perceva : le reconstructeur

Fondé en 2007 par Jean-Louis Grevet (un ancien de Butler Capital Partners), Perceva est spécialisé dans le soutien et l’accompagnement des entreprises en phase de redéploiement. Dès sa création, son objectif est de concurrencer directement les grands fonds de capital retournement déjà sur place. Pour cela, Perceva réalise en moyenne une opération de reprise par an avec un ticket d’entrée compris entre 5 et 50 millions d’euros. Prenons deux exemples :

  • En 2010, le fonds a acquis une participation de 50% au capital du pâtissier-traiteur Dalloyau. Malgré une histoire hors du commun de plus de 300 ans (le groupe a été fondé en 1682), le deal intervient après deux années difficiles pour le secteur, en particulier dans l’activité de réception et d’organisation d’événements qui représentait 45% de ses revenus à l’époque. L’opération permet aussi une transition capitalistique
  • En 2013, le fonds acquiert le Groupe Monceau Fleurs (leader français de la vente de fleurs et végétaux au détail créé en 1965), alors confronté à une situation de défaut imminent qui annihilerait l’investissement des actionnaires existants et la mise de fonds des obligataires. L’accord de restructuration prévoit une réduction de la valeur nominale des actions, plusieurs augmentations de capital réservées à Perceva et le lancement d’une OPA simplifiée sur le capital flottant et les obligations convertibles. A l’issue de ces opérations, Perceva détiendra environ 80% de la cible

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